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Restaurants, cabarets et guinguettes y fleurissent. L’avenue de Clichy est un simple chemin que l’on a planté d’arbres en 1705. Elle en compte que trois maisons quand y vient un jeune homme nommé Lathuile. Il débute comme nourrisseur avec une ferme qui compte jusqu’à 60 vaches. Il a tenu son petit rôle dans la défense de la Barrière de Clichy lors de l’invasion des alliés ; devenu cabaretier en 1830, il distribue vivres et vins aux soldats. On cite, en 1831 son établissement comme » la terre classique de la bonne chère « . Des milliers de repas de noces se font chez le Père Lathuile, mais il ne serait point passé à la postérité si, dans les dernières années du Second Empire, le quartier n’était devenu le rendez-vous des naturalistes et des impressionnistes naissants. Zola y viendra longtemps tout comme Manet, qui a son atelier à Monceau, tout proche.
Les ébats gastronomiques se tiennent tantôt Café Guerbois, tantôt chez le Père Lathuille où se retrouvent Manet, Fantin-Latour, Pissaro, Renoir, Degas, Cézanne, Monet, Guillemet, Zola, Cladel, Burty, Paul Alexis. En 1880, Manet envoie au salon » Le jardin du restaurant Lathuile » et Goncourt écrit dans son journal le 5 juin 1890 :
» Déjeuner chez le Père Lathuile. (…) Ah ! quel vieux cabaret avec ses garçons fossiles et ses déjeuners qui ont l’air de composer des repas de théâtre ! Ah ! c’est bien le cabaret figurant dans la gravure de l’attaque de la Barrière Clichy, en 1814, et qu’on voit encadrée dans le vestibule « .
Prosper Montagné nous a transmis la recette d’un plat qui fut une des spécialités du Père Lathuile :
» Dans un sautoir, pouvant juste contenir un poulet-reine dépecé par membres, faites chauffer fortement 100 g de beurre, y mettre les morceaux bien rangés. Assaisonner de sel et de poivre. Ajouter 250 g de pommes de terre et 3 ou 4 fonds d’artichauts, couper les unes des autres en dés de grosseur moyenne. Lorsque les morceaux de poulet et les légumes sont bien colorés d’un côté, les retourner d’un bloc et les remettre dans le sautoir pour les faire cuire de l’autre côté. Achever de cuire, le sautoir couvert.
Arroser alors de quelques cuillères de bon jus de veau réduit ( ou de glace de viande ), saupoudrer de persil haché additionné d’un peu d’ail râpé et reverser le poulet d’une seule pièce sur un plat comme on le ferait pour une Pomme Anna. Arroser d’un peu de beurre fondu et entourer de rouelles d’oignons frites à l’huile, dressées en bouquets et alternées avec des petits bouquets de persil frit « .
L’avènement du machinisme dirige vers Paris et vers les grandes villes un afflux de population qui favorise la prolifération des restaurants à bon marché. Sous le Second Empire, la Table d’hôte, 84 rue Montmartre, offre pour 1 Franc 50 un repas comportant : potage, quatre plats, salade, dessert, un carafon de vin et pain à volonté.
La Californie vend pour 4 sous la portion de viande et en débite cinq mille par jour avec trois cent cinquante kilos de pommes de terre et autant de haricots secs. On y mange l’été dehors, l’hiver sous un hangar et le spectacle est si coloré que le Paris-Guide de 1862 le recommande aux touristes amateurs de pittoresque. La Californie est située entre la Barrière du Maine et celle de Montparnasse.
» Les Pieds Humides » est une cuisine en pleine air près de la Fontaine des Innocents, à côté des Halles. On y mange pour un sou la portion » d’Arlequin « .
Beaucoup de marchands de vin et de » Bois et Charbons » venus de la province, sont alléchés par cette clientèle en puissance ; leurs femmes se mettent à cuisiner pour les artisans, les ouvriers du bâtiment ou les cochers de fiacre. La plupart de ces derniers sont mal logés dans des taudis sans le moindre confort ; ils sont heureux de retrouver les saveurs de leur petite patrie et se groupent autour des tables de ces gargotes où le vin les aide à oublier leur dépaysement. Zola décrit dans » l’Assommoir » ce mal qui, hélas, fait de plus en plus de ravages.
Source : La fabuleuse histoire de la cuisine française d’Henriette Parienté et Geneviève de Ternant . Editions ODIL