Des précisions culinaires qui ne sont pas toutes dignes de confiance


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Il faut tester les précisions culinaires… mais il faut aussi les recueillir. N’est-il pas nécessaire de le faire collectivement, nationalement ? Nous avons vu que les précisions culinaires sont à foison, mais que toutes ne sont pas dignes de confiance, bien au contraire.

Au total, les tests effectués depuis 1980 ont montré que toutes les possibilités se présentent : certaines précisions semblent fausses et elles sont fausses (1) ; certaines semblent fausses et elles sont vraies (2) ; certaines semblent vraies et elles sont fausses (3) ; certaines semblent fausses et elles sont fausses (4). Nous examinons maintenant quelques exemples, en ajoutant une cinquième catégorie, de précisions culinaires passionnantes, parce qu’incertaines (5).

  1. Nous avons montré que les règles féminines ne causent aucun dégât aux mayonnaises. Ce qui est amusant, c’est que cette précision n’ait pas cours en Angleterre, où, là, les règles sont dites susceptibles de causer le pourrissement des viandes qui ont été frottées au sel en vue de leur conservation.
     
  2. En 1994, nous avons cherché à savoir s’il était vrai que la peau des cochon de lait est plus croustillante quand les cochons ont la tête coupée ou bien quand, comme le disait Carême, on fait une incision autour du cou… ce qui semblait faux mais a été avéré ! L’ouverture permet à la vapeur de s’échapper, ce qui maintient la peau plus croustillante, même raison pour laquelle ceux qui veulent une peau de volaille bien croustillante ont intérêt à piquer les cloques de la peau avec un épingle ou un couteau. À noter que les tests expérimentaux de ce type de précisions sont difficiles à organiser : il nous a fallu comparer des cochons de la même portée, élevée dans la même ferme, du même poids, avec un feu organisé de façon que la cuisson soit identique pour les quatre animaux…
     
  3. Il est dit que les haricots verts restent bien verts si on les cuit sans couvercle, en raison d’acides qui transformeraient la chlorophylle. En réalité, “la” chlorophylle n’existe pas : il y a des chlorophylles qui ont chacune des “couleurs” différentes. Et les tests expérimentaux vous montreront facilement que, dans les conditions actuelles de cuisson, les différences sont imperceptibles.
     
  4. Il est parfois dit que les soufflés gonflent mieux quand les blancs sont très fermes… mais le contraire a été également écrit, toujours sous la plume autoritaire de cuisiniers triplement étoilés (méfions-nous : les étoiles ne sont pas un brevet de technique sans faille ou de capacité d’interprétation, mais, en réalité, une reconnaissance d’un travail artistique merveilleux). En fait, il est vrai que les blancs fermes font des soufflés mieux gonflés, parce que les bulles de vapeur formées au fond s’échappent plus difficilement quand elles doivent traverser une mousse ferme.
     
  5. Examinons enfin une cinquième catégories de précisions : quand le statut de vérité n’est pas connu a priori. Par exemple, mon ami Pierre Gagnaire m’a dit un jour que les sauces au vin montées au beurre sont plus “brillantes” quand elles sont vannées que quand elles sont fouettées.
     
  6. Même venant de Pierre, j’ai des doutes (l’INRA, c’est-à-dire le contribuable, me paye pour cela !). Nous avons commencé par tester la précision lors d’un séminaire, et nous n’avons vu aucune différence de “brillant”. Toutefois, lors des premières expériences, je me demandais si le fouettage n’introduirait pas des bulles d’air, qui donneraient un autre aspect aux sauces. Des sauces identiques ont été préparées, avec l’émulsion faite au fouet dans un cas, et par vannage dans l’autre. L’étude au microscope a montré des émulsions très différentes !

    D’une part, quand les sauces sont vannées, le beurre qui fond est dispersé en grosses gouttelettes, par l’agitation de la casserole. D’autre part, le battage au fouet divise les grosses gouttelettes en gouttelettes plus petites. Au total, on obtient deux systèmes émulsionnés très différents… et donc deux goûts très différents ! En effet, il est aujourd’hui de plus en plus clair que les émulsions avec de grosses gouttelettes ont davantage le goût de la phase aqueuse, et les émulsions aux petites gouttelettes davantage le goût de la matière grasse. Il s’agissait donc moins de “brillant” que de goût !

     

    Collectionnons

    Alors que je prépare mes prochains “Cours de gastronomie moléculaire”, en janvier 2009 (les 19 et 20), sur le thème des “précisions culinaires ”, je ne crois pas inutile de proposer une mobilisation nationale pour que nous ne laissions pas perdre tant d’informations passionnantes.

    Signalons d’abord que ce dernier paragraphe n’est pas de la publicité : les cours sont publics et gratuits, et ils seront donnés quel que soit le nombre d’auditeurs (ce sont des cours sans diplômes, qui font seulement état des travaux en cours).

    Ensuite, revenons sur le “informations passionnantes”. Oui, il s’agit d’informations passionnantes, parce, face à une précision culinaire, il est bien rare que l’on sache à l’avance si elle sera fausse ou vraie. Il faudra faire le travail de test. Nous avons un héritage, à nous, par notre travail, de le faire fructifier.
    Hervé This

    Hervé This

    Hervé This

    (1955 à Suresnes) est un physico-chimiste français, ancien élève de l’Ecole de Physique et Chimie de Paris (ESPCI), qui travaille à l’Institut national de la recherche agronomique. Il est également Directeur scientifique de la Fondation Science & culture alimentaire (Académie des sciences), président du Comité pédagogique de l’Institut des hautes études du goût, de la gastronomie et des arts de la table, qu’il a contribué à créer, Membre correspondant de l’Académie d’agriculture de France, Conseiller scientifique de la revue Pour la Science… Avec les membres de son Équipe INRA de gastronomie moléculaire, au Laboratoire de chimie de l’AgroParisTech, à Paris, il étudie les transformations culinaires.

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