Le roman de la pomme de terre


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La fabuleuse histoire de la cuisine française ( suite )

Avant le grand tournant de la Révolution, le Royaume de France aura découvert les mérites de la pomme de terre.

La pomme de terre, introduite vers 1540 en Europe, en provenance d’Amérique, est solidement installée au XVII ° siècle en Allemagne, en Flandre, en Suisse, en Espagne ; mais en France on la refuse obstinément ; on en donne, par endroits, aux bêtes, mais les gens n’en veulent pas, même en temps de disette. On lit en 1748 dans  » l’École des Potages  » :

« Voila le plus mauvais de tous les légumes dans l’opinion générale ; cependant le peuple, qui est la partie la plus nombreuse de l’humanité, s’en nourrit « .

Le peuple, oui, mais point celui de France; elle le dégoûte. Il ne sait comment la faire cuire ; hormis en Lorraine et dans les parties de la Bourgogne et de la Franche-Comté où elle a été introduite par l’occupant espagnol, elle est considéré avec méfiance. Le Parlement de Besançon en a même interdit la culture en prétendant que le nouveau tubercule donne la lèpre.

Cependant les disettes des dernières années du règne de Louis XIV ne sont pas oubliées. Les menaces de famine obsédant de nombreux savants, Duhamel de Monceau, en 1761, Fresneau, en 1762 publient des mémoires en faveur de la pomme de terre.

Mais comment faire connaître au peuple l’opinion des savants ? Le peuple ne lit pas ; il n’entend que la voix de ses prêtres. Les savants décident donc de mettre le clergé dans leur jeu. En 1765, l’évêque de Castres distribue des pommes de terre aux prêtes de son diocèse en leur disant :

 » Plantez-en et montrez aux gens comment cela pousse et que cela est bon  »

En 1772, l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon met au concours une  » Étude des substances alimentaires qui pourraient atténuer les calamités d’une disette « . Un mémoire fait sensation dans cette académie. la pomme de terre est en effet prônée par un jeune homme, nommé Parmentier, qui obtient le premier prix.

Né à Montdidier, dans la somme, le 12 août 1737, dans cette rue de la Mercerie qui aujourd’hui porte son nom, Parmentier entre en 1753 comme commis assistant chez le pharmacien Frisson, place de la Croix-Bleue, puis chez un apothicaire du Palais-Royal, le sieur Simonet qui dirige le jeune homme vers la pharmacie militaire. Parmentier se retrouve en 1757 sur les champs de bataille de l’armée du Hanovre sous les ordres du grand chimiste Bayen. On le remarque pour son courage. Il n’hésite pas à aller secourir et soigner les blessés sous le feu de l’ennemi. Il est même pris cinq fois et dévalisé par les détrousseurs de cadavres. Il écrit avec humour :

 » Je ne connais pas de plus habiles valets de chambre que les hussards prussiens. Ils m’ont déshabillé plus vite que je ne pouvais le faire moi-même, ce sont de fort honnêtes gens ; ils ne m’ont point fait mal ; ils ne m’ont pris que mes habits et mon argent « .

Mais à la sixième fois, ces honnêtes gens le font prisonnier. Pendant plus d’un an que dure sa captivité, Parmentier s’est nourri pratiquement que de pomme de terre. C’est alors qu’il conçoit l’idée de propager en France la culture de ce tubercule qui n’y est connu que comme plante ornementale et à la rigueur comme  » nourriture à cochon « . Après sa libération, ses démarches en ce sens sont multiples, mais demeurent vaines. En 1769, il occupe le poste de pharmacien à l’Hôtel des Invalides. Il est alors victime d’ une cabale et doit démissionner pour avoir voulu faire manger des pommes de terre aux pensionnaires de l’hospice. Il ne renonce pas et deux ans plus tard, il remporte le premier prix au concours de Besançon. Dès lors les milieux scientifiques s’intéressent à son idée et Lavoisier le fait désigner pour parcourir la France afin d’étudier les raisons de la mauvaise qualité du pain. A son retour, Parmentier rédige un long rapport sur la façon de faire du pain de pomme de terre  » sans mélange de farine « .

Plantation de pommes de terre par les Incas.

Codex péruviens du XVI° siècle. Paris. Bibliothèque Nationale. Photos Hebert Josse.Fayard.

Un jour, il convie des amis à un diner uniquement composé de pommes de terre accommodées sous vint formes différentes. Une douzaine d’invités sont là parmi lesquels Franklin, d’Alembert, Lavoisier et un jeune diplomate suédois, Axel de Fersen.

Parmentier écrit :

« Il faut que la pomme de terre apparaisse sur la table du riche comme sur celle du pauvre et qu’elle y occupe le rang de sa valeur, ses qualités nutritives et la santé de sa nature devraient lui avoir acquit depuis longtemps ».

Hélas! Le Grand d’Aussy en 1783, dans son  » Histoire de la vie privée des Français  » répond :

 » Le goût pâteux, l’insipidité naturelle, la qualité malsaine de cet aliment, qui est flatueux et indigeste, l’ont fait rejeter des maisons délicates et renvoyer au peuple dont le palais plus grossier et l’estomac plus vigoureux se satisfait de tout ce qui est capable d’apaiser sa faim ».

Le Roi Louis XVI, convaincu du bien fondé des affirmations de Parmentier, met à sa disposition un champ dans les plaines des Sablons, près de Paris. Afin d’exciter la curiosité des gens, il fait garder militairement le champ de pommes de terre ; mais les soldats ont ordre de laisser voler les tubercules ; l’attrait du fruit défendu est tel que beaucoup goûtent ces tubercules soi-disant interdits et le trouvent fort bons.

Récolte de pommes de terre par les Incas.

Codex péruviens du XVI° siècle. Paris. Bibliothèque Nationale. Photos Hebert Josse.Fayard.

( à suivre …)

 

Source : La fabuleuse histoire de la cuisine française d’Henriette Parienté et Geneviève de Ternant aux Éditions O.D.I.L.

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