La bataille du sucre


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Nous avons pu voir au cours des siècles combien le sucre, inconnu des anciens qui ne se servaient que de miel, est devenu une substance importante avec la découverte des  » roseaux mielés  » , le sucre de canne et les extraordinaires perfectionnements nés en Italie. Un commerce florissant s’instaure dès la découverte de l’Amérique et la possibilité de faire pousser la canne à sucre dans ces pays au climat béni incite Colbert à faire acheter par la France la Martinique, la Guadeloupe et certaines iles des petites Antilles.

Installés à Rouen, trois raffineries reçoivent le sucre brut du nouveau monde et le transforment en sucre candi que l’on appelle  » sucre royal « . A la veille de la Révolution, la France a remplacé dans sa puissance la Venise du Moyen-Age et est devenue le plus gros répartiteur de sucre en Europe.

En 1806 les navires anglais décident d’empêcher les navires français de quitter les ports des Antilles ou de pénétrer dans les ports français. Napoléon, en représailles, décide de bloquer les marchandises en provenance d’Angleterre : c’est le blocus du sucre et Napoléon se rend compte de ce que ces mesures lui coûtent en impopularité. Il achète donc en Angleterre le sucre que lui-même ne peut plus importer et le revend aux autres nations européennes. Cette solution fait l’unanimité de ces pays contre lui.

En fait, il cherche une solution à ce problème lorsque le chimiste Chaptal l’emmène à Passy le 2 janvier 1812 visiter une fabrique dirigée par un célèbre industriel, Benjamin Delessert. Née en 1773, Benjamin Delessert fait partie d’un groupe qui a consenti au Premier  Consul un prêt de douze millions pour combler le déficit du Trésor Public.

Bonaparte lui manifeste sa reconnaissance en le nommant Directeur de la Banque de France, poste qu’il conservera un demi-siècle. Il est aussi le fondateur de la Caisse d’Epargne et l’auteur d’un  » Guide du Bonheur « On ne sait comment il apprend qu’un Berlinois d’origine française,  Charles-Frédéric Achard en se basant sur les travaux du chimiste prussien Sigismund Margraf a réussi à extraire industriellement du sucre de la betterave. Delessert achète une terrain à Passy, y installe l’outillage nécessaire y compris des machines à vapeur parmi les premières et y perfectionne les procédés d’écoulement des mélasses et de cristallisation du sucre.

L’Empereur visite avec curiosité les installations de Delessert, pose mille questions et soudain son parti est pris : il décore Delessert de sa propre Croix de la Légion d’Honneur, le nomme Baron d’Empire et ordonne que tout soit mis en oeuvre pour développer la nouvelle industrie. En deux ans, 213 fabriques voient le jour ; elles produisent plus de quatre millions de kilos de sucre.

La chute de l’Empire provoquera la libération du trafic maritime ; les sucres coloniaux reviennent en force sur les marchés européens et la plupart des fabriques sont en faillite. Pour sauver cette industrie nationale, Louis XVIII doit augmenter les droits de douane sur les sucres d’outre-mer. C’est le début d’une guerre économique dans laquelle la voix du poète Lamartine s’élève pour défendre les produits des colonies et le trafic des ports français, tandis que les betteraviers, soutenus par de puissants intérêts, contre-attaquent énergiquement. Finalement un équilibre s’établira : le sucre industriel suffisant à la consommation de l’Europe, le sucre de canne s’imose sur le marché extra-européen.

Ce que l’on retiendra de cet affrontement où la politique et l’économie interfèrent, c’est que les problèmes qui concernent la nourriture des hommes ne vont plus se poser en termes locaux, mais en termes mondiaux.

Vers la fin su XIX ° siècle et au siècle suivant, ces problèmes deviennent de plus en plus aigus à mesure que les disparités de niveau de vie entre les pays, puis entre les continents, disparités qui ont toujours existé, vont apparaître en pleine lumière par le jeu de l’information.

Les hommes prennent conscience en même temps du fait que la nourriture peut-être une arme et que cette arme est ‘ » immorale « . Nul ne s’est jamais  avisé qu’il pût être  » immoral  » des contraintes des assiégés dans une place forte par la famine à la reddition ou à la mort. Mais ces faits d’armes n’arrivaient à la connaissance des peuples que longtemps après qu’ils s’étaient produits et comme enveloppés de légendes.

Les progrès de l’information, conjugués à la notion de productivité et à la nécessité de vendre, vont changer les mentalités.

 

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Combat de la canne à sucre contre la betterave. Lithographie de Daumier. Paris, bibliothèque nationale . Photo Cédus-Cédal

Source de cet article  : La Fabuleuse Histoire de la Cuisine Française d’Henriette Parienté et Geneviève de Ternant. Editions O.D.I.L.

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