Mes premiers pas de cuisinier (première partie)


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Avec le gratin de la cuisine française sur le Clemenceau

En fait Raymond Oliver, je l’ai connu bien après son fils, au cours d’une réception assez extraordinaire organisée à Brest par une association maritime. C’est le groupe alors brillant de la Grande Cuisine Française qui était chargé du repas. L’opération devait se dérouler sur le Foch, porte-avions français, gloire de la marine nationale. Finalement ce fut sur le Clemenceau. En matière militaire le contre-ordre suit directement l’ordre, le plus souvent, et le Foch était parti quelques jours plus tôt en opération.Opération pacifique bien entendu.

La genèse de l’aventure ? Un matin Michel Guérard vint me trouver au marché de Neuilly :

-Prépare-toi, nous allons à Brest, avec des plateaux de fromages pour 500 personnes !

– A Brest ?

– Oui, avec la « Grande Cuisine Française »… Tu seras notre fromager.

Vous imaginez bien que je n’allais pas dire non !

Le jour J, je suis au domicile de Michel, avec ma voiture, une DS. chargée jusqu’au plafond de fromages odorants.

– J’espère que tu as de la place, nous devons prendre de la pâtisserie chez Millet.

Millet ? Je m’informe. Il parait que c’est un des plus grands pâtissiers de Paris, meilleur ouvrier de France et tout et tout. Nous arrivons rue Saint-Dominique et je fais la connaissance de Jean Millet. Nous chargeons ensemble dans la DS., en poussant un peu mes fromages, les boites de fer blanc contenant les fragiles « coquilles » et nous voillà partis tous les trois.

Michel Guérard dit : Nous casserons la croûte chez Mimile.

Mimile, c’est Emile Tingaud et je m’arrête en effet à la Ferté-sous-Jouarre, où… L’Auberge de Condé est fermée. C’est son jour de relâche et Tingaud est absent… Tant pis, nous mangerons un peu plus loin sur la route. Et moins bien !

Le soir nous étions à Brest et, la marchandise déchargée et embarquée sur le porte-avions, nous rejoignions l’ l’hôtel.

C’est là que j’allais faire la connaissance de René Lasserre, Raymond Oliver, Jean-Pierre Haeberlin, Pierre Laporte, Roger Vergé, Louis Outhier, Charles Barrier, Paul Bocuse, Jean Troisgros… Du beau monde.

René Lasserre et Raymond Oliver sont déjà réunis et avec Haeberlin, parlent sérieusement de l’organisation du repas du lendemain. Ce sont les têtes. Paul Bocuse est déjà prêt à faire la fête et rameute ses copains Troisgros, Vergé, Laporte pour étudier le programme des réjouissances de la soirée. Il est maigrichon. Aussi après le repas, Pierre  Laporte fait appel au patron de l’hôtel : « Comment s’amuse-t-on dans votre bled , ».

Le pauvre homme fut embarrassé pour répondre. Brest by night n’a rien d’enthousiasmant. Finalement nous échouâmes dans une boite lugubre où deux ou trois couples tournoyaient tristement. Nous y restâmes peu, le temps cependant que je lie connaissance avec ces gloires de la cuisine qui se révélèrent vite des « copains ».

Le lendemain, nous embarquions de bonne heure sur le Clemenceau. Quel engin ! Une vraie ville que j’eus l’occasion de parcourir d’un bout à l’autre car Michel, pris de coliques néphrétiques, fut transporté à l’infirmerie, à l’opposé des cuisines et où j’allais bien le voir trente fois dans la journée. Je serais curieux de savoir combien de kilomètres j’ai pu parcourir ainsi. En tous cas, j’étais devenu capable de guider quiconque dans les labyrinthes du mastodonte marin.

A suivre ..

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