Mes premiers pas de cuisinier (suite)


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Les cuisines où nous devions œuvrer étaient celles des sous-officiers. Aussitôt Bocuse se met à l’oeuvre. Je veux dire commence ses blagues. Un œil caché par un torchon de cuisine, la main droite armée d’un crochet à viande et recroquevillée dans sa manche de façon à ne laisser voir que ledit crochet, la jambe droite pliée soutenue d’un rouleau à pâtisserie, le voici télévisé en parfait pirate. Les autres trinquaient au Mumm devant les photographes. Je commençais à me demander si tout cela était bien sérieux et si ces messieurs étaient là pour cuisiner pour 500 convives…

J’avais tort.

Cinq minutes plus tard la cuisine devient fourmilière, chacun s’agite utilement aux prises avec l’imprévisible inhérent à ce genre de déplacement. C’est surtout le manque d’ustensiles qui gênait mon monde. « Un couteau pour douze cuisiniers, c’est un peu jute », hurlait Michel ! « J’ai pas de marmite assez grande pour faire mon court-bouillon » gémissait Roger !  » Et avec qui , nom de Dieu, vais-je ouvrir ces caisses ? »…). Le pauvre unique mataff laissé à notre disposition commençait à regretter le mitard. Enfin les caisses furent ouvertes d’où je vis s’échapper de magnifiques homards bleus bretons, des araignées d’un brun rouge prometteur dont Vergé s’emparait. Charles Barrier vidait avec précaution les bocaux dans lesquels il avait amené de Tours, la mousseline verte qui accompagne ses étonnantes terrines de soles…

Lasserre qui est un organisateur-né prend ses dernières dispositions en compagnie de Jean-Pierre Haeberlin et tout à coup, j’entend Raymond Oliver déclarer : Je pense que les fromages seront en trop dans ce menu déjà beaucoup trop chargé !.

*- Merde, pensai-je in petto, tout ce voyage pour rien et mes fromages à la baille !  »

Je fonce voir Michel en train de se tordre sur le grabat d’infirmerie où on l’a transporté. Je lui raconte mes malheurs. Il n’en veux rien croire et de toute manière n’est pas d’accord pour cette suppression. C’est lui qui m’a amené, de surcroît et il se sentirait coupable. Mais la décision de Raymond n’est peut-être pas définitive, nous verrons bien ce soir.

De retour aux cuisines et n’ayant rien à faire qu’à me lamenter auprès de mes fromages indésirables, je me propose à aider les amis. Ils en ont besoin ! Ne serait-ce, faute de commis, que pour éplucher les légumes. Je ne sais plus lequel me met devant une planche, un couteau en mains :

-Tiens, démerde-toi, il n’y a pas de fusil et le couteau ne coupe pas. Pare ces lottes et coupe-les en petits cubes.

Je m’exécute sans savoir à quoi cela va servir mais je me sens envahi soudain d’une grande fierté. Je porte un veste blanche et un grand tablier. Je prépare du poisson. Autour de moi les flash crépitent :  » S’il vous plait, chef, souriez ! – Mais je ne suis pas chef, je suis le fromager !  » Peine perdue. Ils n’entendent rien dans le brouhaha de la cuisine démente. Et je suis heureux, heureux…

A suivre …

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